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6 septembre 2011 2 06 /09 /septembre /2011 22:12

(Ce texte est la troisième partie d'un texte plus long, si vous n'avez pas déjà lu le début, lisez l'intro ici, ou la première partie ici)

 

Je me souviens des noisetiers derrière la maison. Des fruits délicieux qu'ils donnaient, qu'il fallait casser avec un caillou, et qui du coup finissaient souvent tout écrabouillés. Je me souviens qu'ils donnaient aussi des arcs et des flèches. Et des bâtons pour aller aux vaches... Je me souviens qu'il y avait une écurie,  et je crois y avoir vu un cheval une fois, mais, à dire vrai, je n'en suis pas très sûr. Je crois qu'il était blanc, ou clair. Le reste du temps il y avait des volailles avec leur petits juste éclos, ou une bête nécessitant des soins spéciaux. Puis ensuite une machine à bois, je crois.

Je me souviens que la basse cour était délimitée par un fil de fer electrifié, à dix quinze centimètres du sol, et que, en courant ou en vélo, quand tu pensais plus au fil, ça te poignardait bien les chevilles. Qu'un vélo en métal ? Oui, c'est conducteur. Je me souviens que les oies, c'est pas commode, que ça court vite, et ça pince fort. Mais qu'elles font moins les malignes en « petite-oie » dans mon assiette. Des grincements des pintades avec leur régularité de machine, qui font penser à des mécaniques mal graissées qui peinent à tourner rond.  Je me souviens des « Rouglouglous » des dindons, de leur air de matador qu'ils prennent quand ils gonflent les poumons, dressent leurs queue de plumes et étendent leurs ailes jusque par-terre pour épater les gonzesses-dindes... Alors qu'ils ont l'air bien couillons avec leur espèce de quéquette rouge et bleue toute molle qui pendouille sur le côté du bec.

Je me souviens qu'au début, il n'y avait pas de salle de bain et qu'on se lavait à l'évier de la cuisine, dans une bassine, avec un gant de toilette et du savon « Camay ». Je me souviens qu'après qu'il y en eût une, dans la salle de bains, si tu restais sous le chauffage dans la même position trop longtemps t'avais vite comme un coup de soleil. Je me souviens de Georges se rasant avec son Brown électrique près du miroir derrière la porte d'entrée au petit matin. Je me souviens que les WC étaient dehors, près de l'entrée du potager. Qu'il y avait dans la porte un trou en forme de losange pour  aérer et laisser entrer le jour, et dans la planche sur laquelle on s'asseyait un trou rond. On se suspendait avec une main de chaque côté du trou en espérant que jamais on tomberait dedans... Je me souviens qu'à la nuit tombée, ou quand il gelait, tu réfléchissais à deux fois avant d'y aller... Je me souviens qu'on pouvait lire le papier Q avant de s'en servir, et qu'il s'appelait « Ouest France » ou « le Courrier de la Mayenne ». Je me souviens que même en triple épaisseur, c'était pas super doux.

Surtout « Le Courrier »...

Je me souviens que dans un pré derrière l'étable, au delà de la mare il y avait un hangar, ou étaient rangées de vieilles machines agricoles, et de vieux engins en tout genre. Je me souviens de leurs sièges en acier taillés pour des grands culs avec des petits trous ronds dans la ferraille. Je me souviens qu'on y jouait des heures à faire les paysans, un bout de bois dans la bouche figurant le mégot de gitane maïs. Roulant les « r » et parlant comme en patois ; on s'y croyait vraiment. Plus tard, devenu dangereux, le hangar fut vidé et détruit. Tout ça disparut à tout jamais pour notre plus grand désespoir.

Je me souviens que les verres pour l'apéro était décorés de chevaux de courses, et qu'après quelques gorgées, si tu ramenais le verre trop vite à la verticale une éclaboussure te sautait dans l'œil et Georges disait « C'est l'cheval qui t'as envoyé un coup d'sabot ! » Et on riait de bon cœur. Je me souviens de la cuisine de Simone, de ces plats de ferme que toutes les fermières préparaient et qui n'étaient jamais aussi exquises que celles de Simone. Je me souviens de la soupe de légumes qui nous a tant fait grandir. Des volailles avec des frites toutes fines et fondantes, de la petite oie, des fricassées, des grands plats de crudités avec des coeurs de palmiers. Je me souviens des endives au jambon béchamel. Je me souviens des crêpes et des tartines de pain beurre avec du poulain râpé, ou du pulvérisé dessus pour le goûter. Je me souviens des confitures maison et des bâtons de tiges de rhubarbe au goût acidulé. Je me souviens du café réchauffé dans la verseuse en acier avec un long bec. Je me souviens du goût des grains de chicorée soluble tombés sur la table, qu'on colle au bout du doigt humide et qui fondent sur la langue.

Je me souviens de la boite de jeux de société en bois, du jeu de l'oie, des petits chevaux. Je me souviens que Simone nous avait appris à jouer aux dominos. Je me souviens d'Yves Mourousi et Michel Chevalet au journal de 13 heures. Je me souviens des épisodes de « Black Beauty » (Prince Noir). Je me souviens que, vers sept huit ans, c'est à l'Orgelière que j'ai vu « Notre Dame de Paris » avec Anthony Queen en Quasimodo, et que la scène finale m'a beaucoup marqué. Je me souviens qu'on se couchait tôt et qu'on avait du mal à dormir à cause du crapaud accoucheur qui chantait la nuit.. Pendant trente cinq ans je me suis demandé ce que pouvait être ce bruit. L'an dernier, j'ai cherché, et on peut l'entendre ici. Je me souviens de la couverture chauffante pour nous préparer le lit. Et aussi, que Georges et Simone dormaient fenêtre ouverte toute l'année.
Que pour nous, avec nos peurs d'enfants, c'était inimaginable, parce que si un monstre rentrait... Hein ???

 

(à suivre... eh ! Oui. Je vous avais prévenus que c'est une longue lettre.)

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