Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 septembre 2011 3 07 /09 /septembre /2011 20:03

Je me souviens que votre tante Madeleine était la femme la plus vieille que je connaissais. Qu'elle venait  de St Brieuc et qu'une telle route c'était pas rien pour une femme de son âge. Que son âge elle le faisait pas, et que je connaissais des mémés plus jeunes, mais qui avait l'air bien plus vieilles qu'elle.  Je me souviens du voile sur sa voix, et de ses grandes lunettes. Que souvent elle pleurait de rire, qu'elle était drôle, et gentille, et qu'elle se couchait vraiment très tôt. Qu'elle adorait l'équipe de foot de Nantes, mais que du coup, les soirs de match, étant au lit, elle ne pouvait pas les supporter de la voix. Alors elle dormait avec les chaussettes jaunes du club remontées jusqu'aux genoux en gage d'encouragement. Allez les canaris !

Je me souviens d'Etienne B qui chantait « Y'a une pie dans l'peurier, j'entends la pie qui chante... » et « Dans mon pays d'espagne ... Olé » un soir de fête sous la loge. Je me souviens de la naissance de vos trois petits enfants. Je me souviens que Fabien voulait devenir grand comme nous, et qu'on lui faisait manger plein de soupe en lui disant que c'était grâce à ça qu'on était si grands. Je me souviens que Maxime nous craignait un peu, et qu'on le voyait moins souvent. Je me souviens d'Elise, qui fut le premier enfant que j'ai tenu dans mes bras. Le premier à qui j'ai donné le biberon. C'était le jour de son baptême. Je me souviens d'avoir été empoté au début, puis de l'avoir encouragé à têter, et de lui avoir chuchoté des trucs gentils pour la faire sourire. Complètement gaga !

Je me souviens que la pièce principale de la maison était tapissée d'un papier peint façon toile de Jouy inspiré des « hasards heureux de l'escarpolette » de Fragonard. Je me souviens qu'on passait des heures le nez collé devant le motif, à regarder les détails et à chercher des différences. Je crois que c'est mon père qui avait collé ce papier peint. Mais je ne suis pas sûr. Je me souviens de la douce chaleur que le fourneau entretenait tout le temps. De la marmite de soupe qui chauffait presque en permanence. Des gouttes d'eau qui roulaient sur la fonte brûlante en faisant pssschhhhiiii quand on soulevait le couvercle.


Je me souviens de cette époque avec une nostalgie doucereuse et j'en conserve de merveilleux et poignants souvenirs qui rempliraient dix autres pages.

 

Mais par dessus tout...


Je me souviens de l'attention qu'on nous portait dans cette maison et comme il y faisait bon vivre. Que Monique, et Jacques, les enfants de Georges et Simone, (et même parfois leurs copains et copine, comme Etienne, Eric et Catherine, ou Bertrand) aussi ont contribué, et donné de leur temps pour nous. Ils nous ont fait découvrir  (allez, pêle mêle...) la piscine municipale, le patin à glace à la patinoire d'Alençon, les Nouvelles Galeries de Domfront, les plages de Julouville, la Honda 750 Four bleue qui logeait dans l'écurie, la Matra Baghera, et les films de "La Coccinelle" au cinéma...

Je me souviens qu'on a pris soin de nous, qu'on nous a nourris. Souvent.

Et bien.

Hébergés, souvent aussi, et par toutes les actions du quotidien, éduqués. 

Avec le recul, et l'âge, je suis bien convaincu que si ma vie d'homme est plutôt réussie aujourd'hui, si je suis devenu qui je suis, c'est aussi grâce à l'influence qu'ils ont eu sur mon éducation (et je ne parle pas seulement de mon goût  immodéré pour les potages de légumes les soirs d'hiver, les volailles au four du dimanche ou bien les endives-au-jambon-béchamel-gratinées). Et que s'ils n'avaient pas été là...

Alors je veux remercier Georges et Simone, (...et aussi leurs enfants) pour leur temps, pour leur attention, pour leur bonté, pour leur patience (et il en fallait), pour leurs explications... Pour leur surveillance de loin, du coin de l'œil, parfois, quand on se croyait loin de tout  regard. Pour la confiance aussi qu'ils ont bien voulu nous accorder en nous confiant des tâches. Pour leur hospitalité et leurs enseignements, pour leur sourire, leurs taquineries de grandes personnes. Pour les réparations à la rustine et le mercurochrome sur les genoux. Pour les kilomètres de ficelles de lieuse. Pour le vinaigre sur les piqûres d'orties entre le short et les bottes et pour leurs câlins quand il y avait besoin.

...Pour m'avoir rendu les balles en plastique du pistolet de Zorro.  

Voilà. J'ai fait cette lettre. Parce que j'ai le cœur faible et les yeux qui se mouillent au point que je n'y vois plus rien à la seule évocation de ces souvenirs. Parce que je sais que je n'aurais jamais le courage et la force de vous le dire quand je vous reverrai, et que je ne supporte plus l'idée de ne l'avoir jamais fait à ce jour, je vous écris,


à toi Georges,

et à toi, Simone,

que je vous aime.

 

Que je vous ai toujours aimé. Même durant ces années où j'étais comme perdu, loin, et silencieux.

Que je vous aimerai toujours. Que vous êtes mes Grands Parents de l'Orgelière.

Et que jusqu'à ce qu'on grave le souvenir de mon nom dans une pierre, le vôtre restera bien au chaud dans mon cœur, entre mes grands-parents de sang, juste au milieu.

Qu'enfin quand je dis « je », il faut entendre « nous », car pour avoir souvent parlé de vous avec mon frère, je sais que tout ce que j'écris ici parle pour nous deux.

 

Je vous embrasse affectueusement.

Partager cet article
Repost0

commentaires

P
<br /> Quelle belle émouvante lettre !<br /> <br /> <br />
Répondre
D
<br /> <br /> Merci Pascale ! bise<br /> <br /> <br /> <br />